Plagiocéphalie : quand s’inquiéter ?
On appelle plagiocéphalie, un aplatissement unilatéral du crâne sans préjuger de son étiologie.[1]
On distingue :
les plagiocéphalies par fusion (synostose) prématurée d’une suture coronale ou lambdoïde. Il s’agit de craniosténoses et la déformation du crâne est visible dès la naissance.
les plagiocéphalies positionnelles ou posturales où l’aplatissement est secondaire à une contrainte mécanique sur le crâne, pré ou post-natale. La déformation de plagiocéphalie positionnelle correspond, le plus souvent, à un aplatissement de la partie postérieure du crâne, plus rarement de sa partie antérieure. Elle est plus fréquente chez les garçons (71% cas) et chez les jumeaux.[2] Elle s’associe à un torticolis congénital dans 37% des cas. [3]
Scenario 1. L’ enfant présente un aplatissement postérieur du crâne : on évoque a priori une plagiocéphalie posturale postérieure (PPP), étiologie de loin la plus fréquente.
il faut se renseigner sur les habitudes de couchage de l’enfant et vérifier s’il existe un torticolis congénital
Il faut rééduquer le torticolis congénital, s’il existe, auprès d’un masseur kinésithérapeute
il faut instaurer d’emblée des consignes de posture en [4]:
évitant à tout prix que l’enfant ne dorme sur le côté aplati
privilégiant la position en décubitus ventral lors des phases d’éveil
réservant les sièges à coque rigide au seul transport de l’enfant
stimulant la rotation de la tête de l’autre côté : disposer le lit dans la chambre de telle façon que la lumière arrive du côté opposé à l’aplatissement, de même pour les objets d’intérêt pour l’enfant : jouets, mobiles, la cuillère, visages familiers .[5]
En l’absence d’application immédiate et exclusive de ces consignes simples, la déformation n’aura aucune tendance à s’améliorer. Les chances d’amélioration sont maximales avant 6 mois et diminuent progressivement ensuite jusque l’âge de 18 mois. Au delà, plus aucune modification n’est à attendre.
En cas de doute diagnostique, on fait réaliser une radiographie standard du crâne face et profil : l’absence d’une suture lambdoïde évoque une synostose et doit faire consulter sans urgence un chirurgien cranio-facial. Cette craniosténose mono-suturaire postérieure n’entraînant pas de conflit de croissance entre crâne et cerveau, son traitement chirurgical est facultatif et d’indication essentiellement morphologique.[6]
Certaines déformations de PPP sont majeures et très disgracieuses : une chirurgie est proposée à partir de l’âge de 15-18 mois pour remodeler l’arrière-crâne. Elle n’est réalisée que dans des cas importants, car il s’agit d’une chirurgie lourde et risquée.
Scenario 2. L’enfant présente un aplatissement antérieur du crâne (frontal) : il s’agit a priori d’une plagiocéphalie antérieure par synostose prématurée uni-coronale.
La déformation est souvent flagrante associant un aplatissement frontal unilatéral avec recul et surélévation de l’arcade sourcilière homolatérale et une déviation de l’axe du nez vers le côté atteint (dans le cas d’une plagiocéphalie antérieure posturale le front est aplati d’un côté, mais l’arcade sourcilière homolatérale est abaissée et l’axe du nez dévié de l’autre côté.).
Il faut faire réaliser une radiographie de crâne de face et de profil pour confirmer le diagnostic et adresser l’enfant au chirurgien cranio-facial: il n’y a aucune chance d’amélioration spontanée de la déformation s’il s’agit d’une synostose, et dans le cas d’une étiologie posturale l’amélioration est inconstante. Le traitement de la déformation est chirurgical et consiste en un remodelage osseux frontal entre l’âge de 6 mois et 18 mois. Son indication est essentiellement d’ordre esthétique, cette craniosténose uni-coronale entraînant peu de risque d’HTIC par conflit de croissance entre le crâne et le cerveau.
Au total
Aussi curieux que cela puisse paraître, la PPP si commune depuis l’application en 1994,en France, du consensus de couchage systématique des nouveaux-nés sur le dos en prévention de la mort subite, est l’entité clinique dont il faut se soucier le plus rapidement car l’amélioration de la déformation est directement fonction de la précocité de la prise en charge.
Les craniosténoses responsables de plagiocéphalie nécessiteront un bilan complémentaire (imagerie ,génétique..)laissé à la discrétion du chirurgien et sont classiquement opérées après l’âge de 6 mois. Les bilans étiologiques très précoces (avant 3 mois) sont inutiles et peuvent conduire à des erreurs diagnostiques. Ils renforcent l’anxiété des parents et constituent un surcoût inutile.
Références bibliographiques
- Arnaud E, Marchac D, Renier D. [Diagnosis of facial and craniofacial asymmetry]. Ann Chir Plast Esthet 2001;46(5):410-23.
- Littlefield TR KK, Pomatto JK, Beals SP. Multiple-birth infants at higher risk for development of deformational plagiocephaly: II. is one twin at greater risk? Pediatrics 2002;109(1):19-25.
- Hollier L, Kim J, Grayson BH, McCarthy JG. Congenital muscular torticollis and the associated craniofacial changes. Plast Reconstr Surg 2000;105(3):827-35.
- Neufeld S, Birkett S. What to do about flat heads: preventing and treating positional occipital flattening. Axone 2000;22(2):29-31.
- Cartwright CC. Assessing asymmetrical infant head shapes. Nurse Pract 2002;27(8):33, 35-6, 39.
- Ellenbogen RG, Gruss JS, Cunningham ML. Update on craniofacial surgery: the differential diagnosis of lambdoid synostosis/posterior plagiocephaly. Clin Neurosurg 2000;47:303-18.